2018. Assis en face d’un écrivain, Augustin, dit Gus, relate
cet hiver 1958, dans le Jura. Avec André, ils effectuent des livraisons à
droite à gauche à l’aide d’un camion d’une autre époque, les essieux morts et
le danger qui vous guette à chaque virage. Gus raconte les mains autour de la
tasse de café arrosé le matin, le pot-au-feu du midi, les gauloises qu’on
allume pour se réchauffer ou lutter contre la fatigue. Les deux font la paire et
mènent une vie de labeur, celle des derniers forçats de la route, qui nous
évoquent Le Salaire de la Peur de Clouzot. De temps en temps, ils débarquent
chez Simone, la patronne d’un café-restaurant où André a ses habitudes avec la
tenancière.
Un soir, Gus tue un homme, un Algérien travaillant dans une
usine du côté de Dôle. Il le tue sur un moment d’égarement, sans réfléchir, à
cause de ce putain d’amour-propre qui lui dicte de se venger d’un mauvais coup
reçu. Pour Gus, rien ne sera plus comme avant.
Et puis ils font la connaissance de Pierre, un gamin ayant
fui la Guerre d’Algérie, marqué au fer rouge par ce qu’il a vu et fait, un
déserteur comme le chantait Boris Vian.
La Guerre d’Algérie est au cœur de ce
roman noir qui va se terminer en course poursuite dans les montagnes du Jura,
où Gus, André, Pierre et un membre du FLN vont chercher refuge en Suisse,
poursuivis par les hélicoptères Sikorsky de la Gendarmerie.
Patrick Pécherot traduit parfaitement les années 50 en
France, la Guerre d’Algérie vue de la Métropole. Roman noir impeccable mais
aussi ouvrage d’Histoire, Hével est un livre court, empruntant la langue
de l’époque, riche d’argot. L’occasion pour l’auteur de parler du monde
d’aujourd’hui, fait d’immédiateté et de sensationnel.

À lire avec un guignolet.
Hével / Patrick Pécherot. – Gallimard, Série Noire. 2018.
224 p.