mardi 31 juillet 2018

Le déserteur. Hével, Patrick Pécherot



2018. Assis en face d’un écrivain, Augustin, dit Gus, relate cet hiver 1958, dans le Jura. Avec André, ils effectuent des livraisons à droite à gauche à l’aide d’un camion d’une autre époque, les essieux morts et le danger qui vous guette à chaque virage. Gus raconte les mains autour de la tasse de café arrosé le matin, le pot-au-feu du midi, les gauloises qu’on allume pour se réchauffer ou lutter contre la fatigue. Les deux font la paire et mènent une vie de labeur, celle des derniers forçats de la route, qui nous évoquent Le Salaire de la Peur de Clouzot. De temps en temps, ils débarquent chez Simone, la patronne d’un café-restaurant où André a ses habitudes avec la tenancière.  


Un soir, Gus tue un homme, un Algérien travaillant dans une usine du côté de Dôle. Il le tue sur un moment d’égarement, sans réfléchir, à cause de ce putain d’amour-propre qui lui dicte de se venger d’un mauvais coup reçu. Pour Gus, rien ne sera plus comme avant.

Et puis ils font la connaissance de Pierre, un gamin ayant fui la Guerre d’Algérie, marqué au fer rouge par ce qu’il a vu et fait, un déserteur comme le chantait Boris Vian.



La Guerre d’Algérie est au cœur de ce roman noir qui va se terminer en course poursuite dans les montagnes du Jura, où Gus, André, Pierre et un membre du FLN vont chercher refuge en Suisse, poursuivis par les hélicoptères Sikorsky de la Gendarmerie.

Patrick Pécherot traduit parfaitement les années 50 en France, la Guerre d’Algérie vue de la Métropole. Roman noir impeccable mais aussi ouvrage d’Histoire, Hével est un livre court, empruntant la langue de l’époque, riche d’argot. L’occasion pour l’auteur de parler du monde d’aujourd’hui, fait d’immédiateté et de sensationnel.

On notera quelques similitudes, dans la langue et l’atmosphère, avec l’excellent roman Après la Guerre d’Hervé Le Corre, beaucoup plus ample, que Ouais ? vous recommande chaudement. Ces deux livres reconstituent la France d’une époque révolue, celle des années 50, quand la Guerre d’Algérie survînt alors qu’on avait encore en tête les affres de la Seconde Guerre Mondiale.

À lire avec un guignolet.




Hével / Patrick Pécherot. – Gallimard, Série Noire. 2018. 224 p.

mardi 17 juillet 2018

La fin justifie-t-elle les moyens ? Age of Ultron

Age of Ultron / Brian M. Bendis

En 2015, le deuxième volet des aventures des Avengers au cinéma, L'ère d'Ultron, pulvérise le box-office. Onzième film de l'univers ciné Marvel mettant en scène les plus grands héros en collant des comics, le film, dans sa VO, porte le nom d'un arc de la BD, Age of Ultron, mais comme la plupart des films Marvel/Disney, le lien avec la BD s'arrête là.

Publié initialement en 2013, Age of Ultron est un crossover réunissant plusieurs héros Marvel dans un futur post apocalyptique. En effet, dans ce futur, le très méchant robot Ultron, à la base conçu pour protéger les humains mais qui, après réflexion, se retourna contre l'humanité car la jugeant comme plus grande menace contre elle-même (saloperie d'IA), a pris le pouvoir sur Terre après avoir ravagé une bonne partie du monde (ou tout du moins des Etats-Unis) et supprimé pas mal de super-héros.

Devant ce désastre, les survivants super-héroïques se cachent et cherchent à faire leur job, sauver le monde. Jusque là, l'histoire est assez banale, sauf que là on n'est pas chez DC avec des super-héros invincibles et arrogants mais chez Marvel, avec des personnages plus nuancés, ayant des états d'âme. Ainsi, si le bon gars Captain America ne sait pas trop quoi faire, son ex-allié-puis-ennemi-puis-de-nouveau-allié-en-attendant-le-prochain-reboot-Marvel, Iron Man décide d'aller dans le futur attaquer le robot qui coordonne ses attaques de là bas (dans le futur du futur si vous avez bien suivi). Pendant ce temps, le bourrin Serval (Wolverine pour les plus jeunes qui ont découvert les super-héros au cinéma), se dit que quitte à voyager dans le temps, autant aller dans le passé assassiner celui qui a créé l'iPhone Ultron, Hank Pym (alias l'homme fourmi qui tabasse sa femme) avant qu'il ne fabrique ce satané robot qui causera la perte de l'humanité. Ainsi, même si la majorité de ses collègues désapprouve ce projet, notre mutant griffu retourne en douce vers le passé effectuer sa tâche ingrate sans se soucier des conséquences spatio-temporelles qui se révéleront encore plus désastreuses (et ainsi on retrouve des personnages qui se demandent si l'histoire vaut la peine d'être modifiée ou altérée, et surtout à quel prix).


Même si l'histoire semble bâclée par moments, le scénariste ayant été pris de cours après avoir pris son temps (multipliant également les illustrateurs), cette saga, sans être le chef d'oeuvre du siècle, se lit OKLM et donne une bonne vision sombre et nuancée des super-héros Marvel.

Age of Ultron / Brian M. Bendis, Bryan Hitch, Carlos Pacheco, Brandon Peterson... - Panini / Marvel Events. 320 p.