Bob Marley étant sacré "roi du reggae" par de nombreuses personnes (et "arbre qui cache la forêt" par d'autres), Dennis Brown fût quant à lui surnommé "the crown prince of reggae" (le prince couronné du reggae) et demeure encore un des plus grands chanteurs issus de Jamaïque.
Sortant son premier disque en 1970 à l'âge de 13 ans sur le mythique label Studio One et finissant tristement sa carrière en 1999 suivant son décès (même si de curieux featurings apparaissent régulièrement post mortem), Dennis Brown aura laissé une discographie très imposante et ultra variée. Si certains vénèrent sa période où il enregistre pour le producteur Niney The Observer des pépites reggae roots au son flangerisé (le genre de son qui pourrait plaire aux personnes qui "n'aiment pas le reggae sauf Lee Scratch Perry") tandis que d'autres vouent un culte à sa période early dancehall des 80's aux côtés de Sly & Robbie (qui amènera des tueries telles que Revolution ou Sitting and Watching qui feront le bonheur de nombreux artistes ragga), sa période fin 70's mérite amplement la redécouverte, entre des albums autoproduits qui marqueront les esprits (notamment grâce aux excellentes rééditions réalisées par le défunt label Blood And Fire) et surtout son travail aux côtés du producteur Joe Gibbs.
Pourtant, parmi la pléthore d'enregistrements effectués pour Joe Gibbs, si c'est généralement l'album Visions of Dennis Brown, sorti en 1977 ou son successeur Wolf & Leopards (comportant également des chansons pour d'autres producteurs) qui sont nommés dans les différentes listes de référence, il y a bien un album injustement mal-aimé, ou tout du moins méconnu : Words of Wisdom sorti en 1979, comportant pourtant le plus grand tube de Dennis Brown, l'immense Money In My Pocket (une réactualisation rockers style d'une chanson qu'il avait enregistré en 1972 avec Niney).
Words of Wisdom est un album comportant une grande majorité de chansons écrites par Dennis Brown (au contraire des précédent truffés de reprises) et alterne morceaux roots engagés et chansons d'amour d'inspiration soul, le tout porté par une voix de velours comme on n'en fait plus (surtout à l'heure de l'autotune).
Ainsi, l'album commence doucement par le beau titre rasta So Jah Say, suivi du plus classique Don't feel no way (dans une veine typique du reggae 70's à la Bob Marley) avant que n'arrive la première perle du disque, le magnifique Words Of Wisdom qui donne son titre à l'album. La fin de la face A contient rien de moins que 3 tubes (sur 3 morceaux) : le sublime et envoutant Should I, le flûté A True et le phénoménal Ain't That Loving You (à la base un classique de la Stax dont s'emparera avec brio le maître Alton Ellis en 1967).
La face B commence avec le titre lover Cassandra, un titre que le prince avait précédemment enregistré avec Niney, suivi de 3 titres roots dont l'émouvant roots Love Jah. A l'instar de la face A, la face B s'achève sur 2 superbes morceaux, sans aucun doute LES tubes du disque, Drifter, une reprise de Dennis Walks, certainement l'un des plus mémorables riddims de l'histoire de la musique jamaïcaine, et le précédemment évoqué Money In My Pocket.
Donc pourquoi, et ce malgré une sortie internationale (en France sur la major Atlantic, ce qui fait qu'on peut le trouver de temps en temps en brocante, tout du moins on le trouvait avant que le vinyle ne revienne à la mode, avec des rapaces achetant tout et n'importe quoi pour faire des plus-values) cet album est-il méconnu ? La faute à des rééditions CD au son catastrophique ? A la présence de nombre de ses chansons sur les innombrables compilations consacrées à Dennis Brown ? Le mystère reste entier...
Words of Wisdom / Dennis Brown. - Initialement sorti en 1979 sur Joe Gibbs Records, Atlantic, WEA ou Laser (selon le pays), réédité en CD et vinyle par de nombreux labels (Blue Moon, Shanachie, Disc'Az...). Fait également partie du superbe coffret 4 CD Dennis Brown At Joe Gibbs sorti en 2011 sur VP/17 North Parade.