Publié dans l'excellente collection Terres d'Amérique d'Albin Michel, Ici n'est plus ici est le premier roman de Tommy Orange, jeune amérindien membre de la tribu cheyenne et ayant grandi à Oakland, Californie.
Oakland, il en est question dans ce roman choral. Dans cette ville, nouvelle réserve indienne urbaine, nous suivrons des amérindiens, aujourd'hui. Des vies marquées par l'alcool, la drogue, l'obésité. Le lourd passé et l'abandon des autorités n'aidant en rien ces hommes et femmes, certains n'ayant même plus la volonté de vivre. Ici n'est plus ici est un roman bien contemporain, on y parle des ravages des réseaux sociaux, de technologies, de solitude.
Les personnages, évoqués dans des chapitres portant leurs noms, vont se rejoindre lors du grand Pow-wow d'Oakland, point culminant du roman, dont l'on devine très tôt l'issue tragique.
On suivra un jeune homme désirant réaliser un film documentaire, un obèse, des petites frappes, une ancienne alcoolique, entre autres. Des personnages complexes, croqués avec justesse, ayant en mémoire les traditions ancestrales, subissant les absurdités modernes.
Ici n'est plus ici est un roman puissant, marquant, déjà largement salué aux Etats-Unis. Après Richard Wright, Chester Himes, Toni Morrison (dont nous pleurons la disparition récente), des auteurs écrivant sur la condition afro-américaine; après Larry Brown et ces auteurs décrivant les blancs pauvres, dans un mouvement initié par Erskine Caldwell, Tommy Orange nous invite à nous pencher sur les amérindiens, aujourd'hui. Les amateurs de polars songeront à Jim Chee, le Navajo créé par Tony Hillerman rencontré notamment dans l'excellent Peuple des ténèbres. Mais Ici n'est plus ici est un autre roman, choral, bien plus ample, qui, nous le gageons, fera date.
Ici n'est plus ici / Tommy Orange. - Albin Michel, 2019. Traduction de Stéphane Roques. 334 p.
Ici n'est plus ici / Tommy Orange. - Albin Michel, 2019. Traduction de Stéphane Roques. 334 p.