Titulaire de l’orgue de chœur de Notre-Dame de Paris, Johann Vexo a enregistré ce disque en 2010 sur le Grand-Orgue de la cathédrale. Un instrument doté de cinq claviers, cent-dix registres, idéal pour interpréter le répertoire de musique d'orgue dite "symphonique", allant de César Franck à Marcel Dupré. À sa console se sont illustrés les plus prestigieux organistes français. On retiendra Louis Vierne (1870-1937), qui a laissé entre autres six symphonies pour orgue, Pierre Cochereau (1924-1984), génial improvisateur (prompt sur la fin de sa carrière à utiliser les jeux de chamades à tout va), Olivier Latry (né en 1962), professeur d’orgue au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris et doté d’une technique jamais acquise auparavant.
Johann Vexo joue Liszt, Franck, Vierne, Duruflé, Escaich
Le disque débute par la Fantaisie et Fugue sur « Ad nos ad salutarem undam ». Une œuvre monumentale de Franz Liszt, inspirée d’un choral de Meyerbeer présent dans l’opéra Le prophète. On connaît le Liszt des rhapsodies hongroises, à la virtuosité éclatante, sans limite. On connaît moins l’Abbé Liszt, entré dans les ordres à la fin de sa vie. « Ad nos » montre que Liszt sait aussi composer pour orgue, on retrouve bien sûr des passages techniquement très exigeants, mais cette virtuosité n’est ici jamais gratuite. Disons-le de suite, la version enregistrée par Johann Vexo est l’une des meilleures que l’on n’ait jamais écouté chez Ouais ?, parce qu’elle démontre une parfaite compréhension de l’œuvre et un travail titanesque sur la registration. Le crescendo du début de la fantaisie, l’entrée progressive des jeux d’anches, l’utilisation à bon escient de la voix céleste (jeu légèrement désaccordé qui associé au jeu de gambe produit un son faisant référence à des ondulations, une sorte de vibrato), les chamades (jeux de anches dont les tuyaux sont situés à l'horizontale) utilisées lors des passages « fanfare », les jeux de mutation dans les passages plus pianistiques, tout est maîtrisé. Et puis, cette longue finale où résonne l’écho de du dernier accord dans la cathédrale vient parachever l’écoute de trente minutes.
On notera sur ce disque la présence de la Prière de César Franck (1822-1890), tirée des Six Pièces pour orgue. Une pièce mettant en valeur les jeux de fonds de l’orgue et un compositeur qui a influencé toute l’école d’orgue française jusqu’à aujourd’hui. Titulaire du Grand-Orgue de la Madeleine, César Franck est indissociable du facteur d’orgue Aristide Cavaillé-Coll, qui a doté les églises françaises (et pas seulement) d’instruments aux jeux de fonds nombreux, limitant les plein-jeux (jeux composés de plusieurs tuyaux à la sonorité brillante) et les cornets (jeux composé de cinq tuyaux) au profit des anches. Les plus beaux exemples sont certainement l’orgue de la Basilique Saint-Sernin à Toulouse, Saint-Ouen à Rouen et bien sûr celui de Notre-Dame de Paris (même s’il a subi des transformations). Les compositions de ces orgues ont ouvert la voie à la musique d’orgue symphonique. Allez écouter les symphonies de Widor, de Vierne et vous comprendrez cette façon de faire sonner l’orgue comme un orchestre, avec ses tutti énormes et ses jeux solistes, faisant référence aux hautbois, clarinettes ou flûtes.
Deux pièces de Louis Vierne présentes sur ce disque, datant des années 1920 et issues des Pièces de Fantaisie. Feux follets, avec ses jeux de mutation (jeux aigus) et son côté apprenti sorcier, nous montre le visage d’un Vierne grinçant. Un esprit que l’on retrouvera dans les scherzi (mouvements centraux de ses symphonies), notamment dans la 3ème , 5ème et le superbe scherzo de la 6ème. La Toccata est une pièce brève, virtuose, typique de l’école symphonique (Gigout, Boëllmann, Widor, par exemple). La bombarde de trente-deux pieds, jeu du pédalier, semble particulièrement écrasante quand elle rentre.
Les Trois Poèmes de Thierry Escaich, compositeur et organiste français contemporain, en activité à Saint-Etienne du Mont (l’orgue où officiait Duruflé), viennent clore l’écoute. On relèvera la magnifique interprétation d’Eaux Natales.
Un disque référence si vous souhaitez entendre toutes les possibilités qu’offre l'Orgue de Notre-Dame de Paris, que vous pouvez entendre gratuitement tous les samedis soirs à 20h lors des auditions d'orgue.
Johann Vexo joue Liszt, Franck, Vierne, Duruflé, Escaich aux Grandes Orgues de Notre-Dame de Paris. - JAV Recordings. 2010.
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