vendredi 31 janvier 2020

Vie de Gérard Fulmard. Jean Echenoz

Gérard Fulmard a un nom dont il est fier mais il nous prévient d'emblée : "à part ce nom, je ne suis pas sûr de provoquer l'envie : je ressemble à n'importe qui en moins bien". Avec son mètre soixante-huit pour quatre-vingts neuf kilos, son statut de demandeur d'emploi, Fulmard rejoint l'équipe des anti-héros de la littérature, à l'instar de Florent-Claude Labrouste, ce personnage de Houellebecq croisé dans Sérotonine.

Gérard Fulmard est un ancien steward, licencié pour faute grave, il consulte un psychiatre, bien silencieux qui semble faire la sourde oreille. Mais quand il évoque une projet de reconversion professionnelle, ça ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd. 

Parce que Fulmard se verrait bien détective privé, dans son deux pièces et demi de la rue Erlanger il aménage un cabinet de rendez-vous mais les clients ne sont pas légion. 

Et ce qui devait arriver arrive, Fulmard se retrouve au centre d'une conspiration dans un parti politique mineur, mené par le dépressif Franck Terrail, et dont son psychiatre est un personnage éminent. 

Un parti politique un peu hors-sol, dirait-on aujourd'hui, les membres vivent dans des villas de standing, il y a des histoires de cul un peu foireuses, de belles voitures et des meetings dans des villes de province. Et puis un jour, la femme du Président Terrail disparaît, les cartes sont rebattues et Fulmard, par le truchement des ambitions de tout un chacun, va devoir assassiner Terrail.

Vie de Gérard Fulmard est un roman noir sur un type raté. Si l'on songe nécessairement à Houellebecq, c'est plutôt du côté de  Jean-Patrick Manchette qu'il faut regarder, avec des clins d'oeil qui feront mouche pour qui a lu Le petit Bleu de la côte ouest.


On a crié dans certains journaux à la virtuosité gratuite. La langue d'Echenoz est admirable mais on aurait tort de s'arrêter à l'exercice de style. Voici un roman brillant, mené de main de maître, qui décortique les arcanes de la politique. On a donc pris beaucoup de plaisir à lire ce livre, court mais exigeant, où l'on ne s'interdit pas quelques rires.

Vie de Gérard Fulmard / Jean Echenoz. - Minuit. 2019. 236 p.

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