Un Houellebecq qui sort crée à chaque fois un frisson dans
le monde de l’édition littéraire, et même au-delà. On épluche le texte ou on ne le lit pas, mais
chacun a son avis tranché, plutôt sur l’auteur lui-même que sur son dernier roman.
Disons-le de suite, l’équipe de Ouais ? n’a pas lu
l’intégrale de Houellebecq et n’est donc pas spécialiste de son œuvre. On avait
seulement lu La carte et le territoire, Prix Goncourt 2010. Et c’est un
sacré bon roman, interrogeant les relations père-fils, le monde de l’art, avec
cette façon de nommer précisément les choses, en utilisant des références à des
marques précises, plutôt que de tourner autour du pot pendant trois
paragraphes.
Sérotonine, paru après le sulfureux Soumission (on ne l’a pas lu donc on ne vous en parlera pas), décrit la longue descente
aux enfers de Florent-Claude Labrouste.
Florent-Claude
Labrouste a la quarantaine, il est ingénieur agronome (comme Houellebecq), il
fume comme un pompier (comme Houellebecq), et tous les matins, il prend une
capsule de Captorix 15mg, un anti-dépresseur nouvelle génération.
Florent-Claude
Labrouste, désormais réduit à l’impuissance sexuelle par son traitement, se
souvient de ses conquêtes féminines, décrits dans des passages pornographiques
par l’auteur. Des passages revenant fréquemment et qui ne manqueront pas
de donner du grain à moudre aux détracteurs de Houellebecq. Petit à
petit, s’effondrant devant l’échec patent de sa vie, Labrouste quitte son
travail, s’isole en Normandie, loge dans les rares hôtels encore fumeurs. La
solitude, la dépression puis la folie vont le conduire à s’enfermer dans un
studio Porte de Clichy à Paris. À ce moment, Florent-Claude Labrouste est
foutu.
Sérotonine est aussi,
et surtout, un roman social, bien ancré dans son époque. La crise des
agriculteurs qui ne peuvent pas vivre de leurs revenus, une Europe étouffée par
les bureaucrates, la solitude et l’individualisme, Houellebecq voit plutôt
juste avec le regard noir et caustique qu’on lui connaît, et les récents
événements ne sauraient lui donner tort.
On pourra arguer ici et
là que Houellebecq est un misogyne ainsi qu'un foutu réac’. Ouais ? n’a
pas eu cette impression. Sérotonine est un bon roman, qui gratte un peu
là où ça démange, où l’on est partagé entre vouer l’auteur aux gémonies et le porter aux nues deux lignes plus tard, parce qu’il agace mais balaie tout ça
d’un trait d’humour noir brillant.
Sérotonine n’est pas le livre de l’année, certes, mais un
livre qui va compter et dont on reparlera.
Sérotonine / Michel Houellebecq. - Flammarion. 2018. 352 p.
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