vendredi 18 septembre 2020

Le Pont de Bezons. Jean Rolin

La lecture du roman Les évènements avait été un choc, où nous avions découvert un style froid, épuré, non dénué d'humour. L'auteur, Jean Rolin, mérite qu'on s'arrête un peu sur son parcours. Journaliste, Prix Médicis en 96 pour L'organisation, ses précédents ouvrages Crac et Le Traquet kurde montraient un goût évident pour le voyage et l'ornithologie.

Moins exotique, Le Pont de Bezons est un carnet de voyage, périple effectué le long de la Seine, depuis Melun jusqu'à Mantes-la-Jolie. L'auteur a volontairement omis Paris. Parti de Melun, par les chemins de halage ou les sentiers hasardeux, Jean Rolin visite Corbeil-Essonnes, Evry, la gare de Vigneux, Ivry, Saint-Denis et Argenteuil, poussant jusqu'aux Mureaux pour atteindre Mantes-la-Jolie.

On le suit dans les cafés turcs, les fast-food halal, les camps de roms. Les impressionnistes sont convoqués dans la fin du carnet et Jean Rolin évoque sa famille lorsqu'il arrive à Carrières, près de la maison où il a grandi.

On y voit là un coup de maître. Avec poésie, Jean Rolin parvient à décrire les terrains vagues jonchés de bouteilles de Label 5 et de boîtes de mauvaises bières, les immeubles qui s'effondrent, les friches industrielles, tout en évoquant la faune et la flore locale.

Le Pont de Bezons n'est pas un roman mais un récit de voyage, un projet littéraire élaboré sur l'année 2019. Comme Patrick Deville, Jean Rolin fait partie de ces écrivains qui ont une hauteur de vue, des artistes "entiers".


L'ouvrage ne séduira pas le quidam, l'on pourra s'y perdre dans les descriptions détaillées des routes nationales, mais il y a un style qui nous a tenu en haleine, un plaisir pris à lire des tournures de phrases d'une autre époque. N'y cherchez pas une description des banlieues parisiennes et des problématiques liées. Le Pont de Bezons est un récit de voyage, de ceux que vous pouvez trouver en brocante dans de très vieilles éditions, et qui évoquent une rivière ou un massif montagneux.

Le Pont de Bezons / Jean Rolin. - P.O.L, 2020. 237 p. 


lundi 8 juin 2020

Hommages à Kraftwerk

Le 21 avril dernier disparaissait le musicien allemand Florian Schneider, l'un des deux membres fondateurs de Kraftwerk. De nombreux hommages à ces pionniers de la musique électronique sont apparus de ci de là, notamment de la part du magazine Tsugi, du blog du site Discogs ou encore sur le site des bibliothécaires musicaux de Gironde. Si tous ces hommages nous montrent l'influence qu'a pu avoir Kraftwerk sur les musiques électroniques, Ouais ? va vous montrer que le groupe a marqué bien au-delà des sphères électroniques, à travers une playlist regroupant des reprises de Kraftwerk, ainsi qu'une poignée de samples sélectionnées parmi les nombreux artistes ayant échantillonné la musique de la fameuse centrale électrique allemande.


Commençons par un groupe injustement oublié de tous ces hommages malgré son statut de formation culte : Big Black, groupe phare du noise rock américain (même si les millennials préfèrent l'appellation plus branchée de post-punk). Big Black, donc, qui proposait en 1987 sa version bruitiste de The Model sur son dernier album, Songs about fucking sorti sur le non moins cultissime label Touch And Go. Pour rappel, Big Black est l'un des premiers groupes formés par Steve Albini, ingénieur du son aux manettes des disques au son sec et tranchant de Nirvana, PJ Harvey, Pixies, Jesus Lizard, Neurosis, Palace et des milliers d'autres. Comme nous le verrons plus loin, The Model est certainement le morceau le plus repris de Kraftwerk, la première reprise étant l'œuvre de Snakefinger, projet new wave britannique qui proposait sa version en 1979 sur son premier album, Chewing Hides The Sound

Si il y a bien un style qui doit beaucoup à Kraftwerk, c'est la new wave. La chanson Neon Lights sera ainsi reprise par plusieurs groupes assimilés à la new wave des années 80, notamment Orchestral Manoeuvres In The Dark (OMD pour les intimes, Enola Gay pour le tube) en 1991, Simple Minds en 2001 ou les irlandais de U2 en 2004. Deux autres artistes associés à la fois au punk de la fin des années 70 et à la new wave des années 80 reprendront tardivement des chansons de Kraftwerk : Siouxsie And The Banshees en 1987 avec Hall Of Mirrors sur leur album de reprises et Spizzenergi avec The Model en 2000. The Model qui sera également magistralement reprise en 1982 par le groupe punk anglais The Members dans une étonnante version reggae.

Le reggae n'a pas échappé à l'influence de Kraftwerk, notamment en Europe avec le britannique Prince Fatty. Le producteur de la magnifique Hollie Cook, par ailleurs grand amateur de mélanges en tout genre (faire chanter les chansons de Nirvana par un vétéran jamaïcain ou s'incruster dans la BO de la série Breaking Bad avec une version reggae du monumental Shimmy Shimmy Ya de Ol' Dirty Bastard par exemple) sort cette année un 45 tours comprenant deux version de The Model : une version interprétée par la chanteuse Shniece McMenamin en duo avec Horseman (à ne pas confondre avec Horsemouth, le héros du film Rockers) suivi de sa version dub instrumentale. Autre adepte des mélanges reggae/dub et autres, l'anglo-italien Gaudi proposait en 2007 un album de remixes dub des morceaux de la légende du qawwalî pakistanais Nusrat Fateh Ali Khan, le bien nommé Dub Qawwali sur lequel on retrouvait un sample de The Model sur le titre Jab Teri Dhun Main Raha Karte They.

The Model est décidément l'un des titres les plus repris de Kraftwerk puisqu'on en retrouve également des reprises par le brésilien Seu Jorge avec le groupe Almaz en 2010, ainsi que par de nombreux groupes surf et garage rock : les danois The Tremolo Beer Gut, le one-man band sauvage français King Automatic ou les anglais Death Valley Surfers. Dans le même esprit néo-vintage, mais aux rythmes différents, Kraftwerk a été adapté en ska par les allemands de Yellow Umbrella (Das Model toujours) et les français Jah On Slide (Radioactivity).

Radioactivity semble être un morceau apprécié des français puisque outre Jah On Slide, il a également été repris par Mario Cavallero et son orchestre (qui enregistrait également des reprises cheap d'Ennio Morricone que l'on retrouve sur tous les stands de brocante de France et de Navarre), par Jean-Pierre Mader (oui oui, celui qui chantait le tube des années 80 Macumba), par Kat Onoma, le groupe de rock poétique fondé par Rodolphe Burger, ainsi que par Treponem Pal, fondateur du metal industriel made in France.

Le metal n'est pas en reste concernant l'influence de Kraftwerk, on remarquera ainsi une reprise de Das Model par le groupe de metal indus allemand provoc Rammstein ainsi que par l'obscur groupe de black metal anglais Absinthropy.

Plus raffiné, le groupe nord-irlandais à cordes de Neil Hannon, Divine Comedy a repris deux chansons de Kraftwerk : The Model et Radioactivity, deux morceaux assez rares puisqu'extraits de faces B de singles. Parmi les autres groupes pop indés des années 90 à avoir repris Kraftwerk, on trouve les fabuleux suédois The Cardigans (un groupe qu'il serait dommage de ne réduire qu'à son tube Lovefool extrait de la BO du film Roméo + Juliette de Baz Luhrmann). Le groupe de la chanteuse Nina Persson avait inclus sa reprise en allemand de Das Model sur un single de 2003. Le groupe culte du rock indé dit shoegaze Ride avait également repris The Model pour une compilation concoctée par le magazine anglais New Musical Express en 1992, tandis que leurs compatriotes rigolos de Terrorvision proposaient leur version sur la face B de leur unique tube Oblivion. Encore plus rare, on retrouve une reprise de The Model par la chanteuse star des 90's Ophélie Winter, en duo avec The Hellboys, groupe rock du défunt journaliste de Rock & Folk Nicola Acin, un groupe que l'on retrouvait toujours incrusté en première partie des concerts parisiens de Rancid au grand dam des fans du groupe punk à crêtes californien.

Si le grand public est loin de se douter de l'influence de Kraftwerk sur le hip hop, c'est peut-être dû au fait que le rap a tendance à oublier son histoire. Pourtant, parmi les précurseurs du rap dans les 80, Afrika Bambaataa inventait tout un courant du hip hop à lui tout seul en mélangeant la froideur électronique de Kraftwerk aux rythmes syncopés du funk : l'electro, un terme aujourd'hui galvaudé qui remplace de façon sommaire le terme techno pour désigner toutes formes de musiques électroniques. Afrika Bambaataa donc qui sur son fabuleux Planet Rock samplait deux titres de Kraftwerk : Trans Europe Express et Numbers. Trans Europe Express semble être d'ailleurs un morceau ayant fortement touché la communauté afro-américaine, puisqu'on en retrouve également une reprise en 1982 par Trouble Funk, groupe de funk tendance go-go originaire de Washington D.C. Plus récemment, quoique, le groupe de rap français de Vitry-sur-Seine 113, sous l'impulsion de son DJ Mehdi, samplait également Trans Europe Express sur le titre Ouais gros qui ouvrait son premier album Les Princes de la Ville en 1999. Kraftwerk a d'ailleurs été pas mal samplé, et pas que dans le hip hop. On vous épargnera ainsi Coldplay, les stars du rock quoi, qui reprenaient la mélodie de Computer Love sur leur tube Talk en mode ni vu ni connu, mais on ne fera pas l'impasse sur le musicien anglais qui trustait les BO des blockbusters ciné et jeux vidéo de la fin des 90's et du début des 2000's : Fatboy Slim qui reprenait en 2007 Radioactivity sur le 19ème volume de l'excellente collection de compilations LateNightTales où chaque volume était compilé avec soin par les stars du moment.

Le jazz s'est aussi accaparé des chansons de Kraftwerk, citons notamment le groupe suédois Oddjob, qui en plus d'avoir un nom hérité du film Goldfinger et enregistré un bon disque hommage aux musiques des films de Clint Eastwood, a repris Man Machine en 2003 sur son deuxième album, Koyo. Autre groupe jazz friand de reprises, le trio américain The Bad Plus s'est complètement approprié la chanson The Robots en 2016 sur son album It's hard. The Bad Plus s'était précédemment fait remarquer à travers ses versions jazz de titres de Nirvana, Radiohead, Black Sabbath ou Igor Stravinsky entre autres. The Robots a été également repris par un autre combo jazzy (même si les puristes ne le reconnaissant pas en tant que tel) : le trio italien Zu qui pratique une musique à la frontière du free jazz et du noise rock, avec une formation batterie/basse saturée/saxophone. En 2001, Zu s'associait au guitariste avant-gardiste américain Eugene Chadbourne (un proche de John Zorn pour situer) pour un album, Motorhellington, qui les voyait reprendre aussi bien Black Sabbath, Kraftwerk, Motörhead, James Brown et The Seeds que Charles Mingus ou Antonio Carlos Jobim. Les puristes n'en reviennent toujours pas. Autre formation expérimentale à avoir repris du Kraftwerk, les japonais.e.s déjanté.e.s de Melt-Banana reprenaient en 1 minute et 31 secondes Showroom Dummies sur un disque hommage nippon à Kraftwerk sorti en 1998.

Contemporain de Kraftwerk, les allemands de Tangerine Dream font partie de ces artistes prog des années 70 à avoir un peu trop touché le ciel en fumant du patchouli puisqu'ils sont à la base du courant new age cher à Era, Enya, Enigma et autres formations commençant par la lettre E et finissant en A. Si on parle ici de Tangerine Dream, ce n'est pas par nostalgie d'une vieille série des années 80 à véhicule futuriste, mais parce qu'avec l'âge, des souvenirs de leurs jeunes années en RFA resurgissent, reprenant ainsi en 2012 The Model de Kraftwerk, dans une version, reconnaissons-le, assez ennuyeuse (pour être polis). On reste en Europe avec le groupe germano-ukrainien Rotfront qui reprend The Robots en version klezmer ainsi que de jolies trouvailles sur Youtube concernant The Model : une version polka par le groupe allemand Polkaholix extrait d'un album joliment intitulé The Great Polka Swindle ainsi qu'une version folklore finlandais par le Trio Fratres.

Pour finir cette playlist, nous avons sélectionné deux artistes ayant fait des albums complets de reprises de Kraftwerk. Le premier, Señor Cononut, projet latino de l'allemand Uwe Schmidt exilé au Chili, a sorti en 1999 l'album El Baile Aleman dans lequel il reprend 9 chansons de Kraftwerk en cha-cha-cha, merengue, cumbia, ... Le second est un quatuor à cordes anglais lorgnant vers la musique contemporaine, le Balanescu Quartet fondé par le roumain Alexander Balanescu (ayant fait ses classes dans le quatuor Arditti ou les ensembles de Michael Nyman et Gavin Bryars). Ce quatuor a sorti en 1992 un remarquable album de reprises de Kraftwerk : Possessed.

Et si vous voulez encore plus de The Model, voici deux versions que l'on ne trouve pas sur Youtube, une par le duo electro pop malaisien Byaduoorgroup et une seconde par le sauvage groupe garage anglais Stratosonics :



vendredi 15 mai 2020

Y'a pas que Netflix dans la vie

Si comme nous, vous ne savez pas trop quoi regarder depuis que vous avez lâché les chaînes d'infos et que vous ne voulez pas lâcher vos données personnelles à Netfric, on ne peut que vous conseiller ce passionnant documentaire sur Joe Isaacs, batteur jamaïcain à l'origine du rocksteady chez Studio One, ayant joué sur les plus grands titres de Ken Boothe, The Heptones, Alton Ellis, Sound Dimension, Desmond Dekker, Toots & The Maytals ou certaines des chansons des Wailers.
On y croise tous les artistes mentionnés ci-dessus, mais également des pointures comme Jackie Mittoo, Sly Dunbar, Earl Chinna Smith, Willie Williams, The Melodians, ainsi que des images d'archives de The Clash, Sean Paul, Sublime ou Snoop Dogg Lion (qui reprendront des chansons sur lesquelles il avait originellement joué). 

A visionner sur Youtube et en plus c'est sous-titré (en anglais) :


Dans le même esprit, on trouve également sur Youtube un documentaire sur les mythiques Toots & The Maytals, groupe jamaïcain ayant débuté lors de la période ska et qui connut son apogée lors de la période early reggae grâce à son chanteur fortement marqué par Otis Redding et des chansons qui seront reprises ou samplées par des artistes aussi divers que The Clash, The Specials, Amy Winehouse, Kortatu, Fermin Muguruza, Gov't Mule, Kylie Minogue, Robert Palmer, The Oppressed, Willie Nelson, Keith Richards ou les déjantés japonais Melt Banana. Un documentaire à visionner ci-dessous :


Toujours sur Youtube, un intéressant documentaire réalisé en 1995 par Armelle Fauvel sur le ska, ancêtre du reggae mélangeant rhythm & blues, jazz et rythmes caribéens. Ce doc raconte l'histoire de cette musique de ses origines en Jamaïque en passant par le revival anglais de la fin des 70's, son développement à l'international avec les américains The Toasters ou les allemands The Busters. Un passionnant mélange d'images d'archives et de prestations en concert d'artistes français, dont La Marabunta, Les Frelons, Skarface, Dirty Disctrict et bien d'autres à visionner ci-dessous (et là c'est en français !) :


Toujours en français, un petit documentaire sur le reggae diffusé  en 1979 à la télé avec voix off de Patrice Drevet, extrait des images d'archives de l'INA :


Le même Patrice Drevet qui interviewait Serge Gainsbourg pour son mythique concert au Palace en 1979 pour TF1, extrait des archives de l'INA :



Le site de l'INA regorge de pépites méconnues, ainsi ces images tournées du vivant de Bob Marley et de ses concerts en France, diffusés lors des journaux  TV :

mercredi 13 mai 2020

Sur un air de tango

"Ce mercredi 27 septembre 1965 à 15 h 02, Alberto Martinez Tobar, le trésorier général, entra dans la succursale de la Banque de la Province de Buenos Aires à San Fernando. Un homme grand, au visage rougeaud et aux yeux saillants, qui, à quarante ans tout juste, n'avait plus que deux heures à vivre."
Sobre et efficace, Argent brûlé, un roman noir de l'argentin Ricardo Piglia, paru en 1997. Dans la veine de De sang-froid de Truman Capote.

Argent brûlé / Ricardo Piglia. - Zulma, 2010. Traduction de François-Michel Durazzo. 261 p.

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dimanche 29 mars 2020

Hommage confinés

En cette période étrange, Ouais ? sort de son silence non pas pour rédiger un journal de confinement (trop évident) ni proposer un morceau acoustique de chez soi ou bien encore étaler une science qu'il n'a pas à propos du Coronavirus, mais pour rendre hommage aux nombreux artistes récemment décédés :

Bob Andy (1944-2020) : un des plus grands songwriters jamaïcains, auteur de tubes intemporels comme I've got to go back home, Unchained, Too Experienced, My time, Desperate Lover, I don't want to see you cry, Feel like jumping, Always Together ou Young gifted & black (en duo avec sa compagne, la grande Marcia Griffiths), des classiques qui seront repris par Gregory Isaacs, Dennis Brown, John Holt, The Bodysnatchers, Daddy Nuttea, Barrington Levy, UB40 et plein d'autres
Son magnifique album Bob Andy's Songbook est en écoute sur le Bandcamp de Studio One :



L'excellente émission de radio américaine Algoriddim lui a également consacré une très bonne émission en 2008, à réécouter ci-dessous :





Manu Dibango (1933-2020), grande figure de la musique d'origine camerounaise, auteur de pépites comme Soul Makossa bien sûr, mais aussi Electric Africa (avec Bill Laswell et Herbie Hancock), Iron Wood, Baobab Sunset, Ah ! Freak Sans Fric, Poinciana, Africadelic, ou Africa Boogie. Parmi la pléthore de disques qu'il a enregistrés au cours de sa longue carrière (décédé à l'âge de 86 ans, il continuait de donner des concerts dont ce spectacle donné à l'occasion de ses 60 ans de carrière en 2019), quelques curiosités dont ce disque de 1979, Gone Clear (aussi connu sous le nom de Rasta Souvenir) où il donne une vision jazzy de classiques du reggae en compagnie de la mythique section rythmique composée de Sly & Robbie



 
Parmi les décès récents, notons également le compositeur et chef d'orchestre Krzysztof Penderecki (1933-2020), responsable l'année dernière d'une belle version de la symphonie n°3 d'Henryk Górecki chantée par Beth Gibbons de Portishead :

 


Ainsi qu'Albert Uderzo (1927-2020), l'un des 2 papas d'Astérix, par ailleurs parolier de quelques chansons accompagnant les dessins animés, mais pas celles de ce morceau inoubliable qui, contrairement à ce que dit Soulseek, Youtube ou Chinese Man, ne s'appelle Le pudding à l'arsenic mais Le gâteau empoisonné :



Ou Albert Craig dit Apple Gabriel, membre fondateur d'Israel Vibration, groupe reggae ayant la particularité de n'être formé que par des chanteurs atteints de poliomyélite, auteur d'un magnifique premier album sur lequel on retrouvait leur tube, The Same song



Et toujours dans le monde du reggae, Delroy Washington (1952-2020), chanteur anglo-jamaïcain, auteur de 2 bons albums pour Virgin/Front Line à la fin des 70's : 



Enfin, dans un autre style, Gabi Delgado (1958-2020), fondateur du groupe D.A.F., pionnier dans les 80's de la Neue Deutsche Welle (en gros la new wave allemande), interprète de tubes electro-punk provocateurs comme Der Mussolini :

 

dimanche 1 mars 2020

Aires. Marcus Malte

Marcus Malte est un auteur qui prend régulièrement des chemins de traverse. Prix Femina 2016 avec Le Garçon, quelques escapades en noir avec le joyau Garden of Love, voici qu'il arrive sur les autoroutes avec Aires, le roman qui nous intéresse ici.

C'est un ouvrage ambitieux, de plus de 400 pages, un roman choral, virtuose dans sa langue et son architecture. Débutant dans une novlangue futuriste, il nous projette rapidement sur des aires d'autoroute, en un mois d'août brûlant. Une galerie de personnages vont se succéder. Du routier au vacancier, nous suivrons leurs états d'âme, l'occasion de faire un bout de route avec eux, de regarder dans le rétroviseur leurs parcours, leurs révoltes, leurs rêves et ambitions. Avec un constat à chaque fois, celui d'une société malade, à bout de souffle. 

Une paternité foirée, le cancer, le sens de la vie, les politiques-tous-pourris, une DG qui craque, la fin d'un amour qui a donné naissance à deux enfants, les projets d'avenir de deux tourtereaux. La vie à 130 kilomètres par heure, la deux fois deux voies avec ses dangers, ses glissières de sécurité et les cafétérias de l'Arche.



Nul ennui dans ce long roman singulier, plutôt une mélancolie tenace une fois la dernière page tournée. Un ouvrage de son temps, celui d'un monde absurde qui se meurt. 

À ne surtout pas manquer.

Aires / Marcus Malte. - Zulma. 2020. 487 p.


vendredi 31 janvier 2020

Vie de Gérard Fulmard. Jean Echenoz

Gérard Fulmard a un nom dont il est fier mais il nous prévient d'emblée : "à part ce nom, je ne suis pas sûr de provoquer l'envie : je ressemble à n'importe qui en moins bien". Avec son mètre soixante-huit pour quatre-vingts neuf kilos, son statut de demandeur d'emploi, Fulmard rejoint l'équipe des anti-héros de la littérature, à l'instar de Florent-Claude Labrouste, ce personnage de Houellebecq croisé dans Sérotonine.

Gérard Fulmard est un ancien steward, licencié pour faute grave, il consulte un psychiatre, bien silencieux qui semble faire la sourde oreille. Mais quand il évoque une projet de reconversion professionnelle, ça ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd. 

Parce que Fulmard se verrait bien détective privé, dans son deux pièces et demi de la rue Erlanger il aménage un cabinet de rendez-vous mais les clients ne sont pas légion. 

Et ce qui devait arriver arrive, Fulmard se retrouve au centre d'une conspiration dans un parti politique mineur, mené par le dépressif Franck Terrail, et dont son psychiatre est un personnage éminent. 

Un parti politique un peu hors-sol, dirait-on aujourd'hui, les membres vivent dans des villas de standing, il y a des histoires de cul un peu foireuses, de belles voitures et des meetings dans des villes de province. Et puis un jour, la femme du Président Terrail disparaît, les cartes sont rebattues et Fulmard, par le truchement des ambitions de tout un chacun, va devoir assassiner Terrail.

Vie de Gérard Fulmard est un roman noir sur un type raté. Si l'on songe nécessairement à Houellebecq, c'est plutôt du côté de  Jean-Patrick Manchette qu'il faut regarder, avec des clins d'oeil qui feront mouche pour qui a lu Le petit Bleu de la côte ouest.


On a crié dans certains journaux à la virtuosité gratuite. La langue d'Echenoz est admirable mais on aurait tort de s'arrêter à l'exercice de style. Voici un roman brillant, mené de main de maître, qui décortique les arcanes de la politique. On a donc pris beaucoup de plaisir à lire ce livre, court mais exigeant, où l'on ne s'interdit pas quelques rires.

Vie de Gérard Fulmard / Jean Echenoz. - Minuit. 2019. 236 p.