Commençons par un groupe injustement oublié de tous ces hommages malgré son statut de formation culte :
Big Black, groupe phare du
noise rock américain (même si les millennials préfèrent l'appellation plus branchée de post-punk). Big Black, donc, qui proposait en 1987 sa version bruitiste de
The Model sur son dernier album,
Songs about fucking sorti sur le non moins cultissime label
Touch And Go. Pour rappel, Big Black est l'un des premiers groupes formés par Steve Albini, ingénieur du son aux manettes des disques au son sec et tranchant de
Nirvana,
PJ Harvey,
Pixies,
Jesus Lizard,
Neurosis,
Palace et des
milliers d'autres. Comme nous le verrons plus loin,
The Model est certainement le morceau le plus repris de Kraftwerk, la première reprise étant l'œuvre de
Snakefinger, projet new wave britannique qui proposait sa version en 1979 sur son premier album,
Chewing Hides The Sound.
Si il y a bien un style qui doit beaucoup à Kraftwerk, c'est la
new wave. La chanson
Neon Lights sera ainsi reprise par plusieurs groupes assimilés à la new wave des années 80, notamment
Orchestral Manoeuvres In The Dark (OMD pour les intimes,
Enola Gay pour le tube) en 1991,
Simple Minds en 2001 ou les irlandais de
U2 en 2004. Deux autres artistes associés à la fois au punk de la fin des années 70 et à la new wave des années 80 reprendront tardivement des chansons de Kraftwerk :
Siouxsie And The Banshees en 1987 avec
Hall Of Mirrors sur leur
album de reprises et
Spizzenergi avec
The Model en 2000.
The Model qui sera également magistralement reprise en 1982 par le groupe punk anglais
The Members dans une étonnante version reggae.
Le reggae n'a pas échappé à l'influence de Kraftwerk, notamment en Europe avec le britannique
Prince Fatty. Le producteur de la magnifique
Hollie Cook, par ailleurs grand amateur de mélanges en tout genre (
faire chanter les chansons de Nirvana par un vétéran jamaïcain ou s'incruster dans la
BO de la série Breaking Bad avec une version reggae du monumental
Shimmy Shimmy Ya de
Ol' Dirty Bastard par exemple) sort cette année un 45 tours comprenant deux version de
The Model : une version interprétée par la chanteuse Shniece McMenamin en duo avec
Horseman (à ne pas confondre avec
Horsemouth, le héros du film
Rockers) suivi de sa
version dub instrumentale. Autre adepte des mélanges reggae/dub et autres, l'anglo-italien
Gaudi proposait en 2007 un album de remixes dub des morceaux de la légende du
qawwalî pakistanais
Nusrat Fateh Ali Khan, le bien nommé
Dub Qawwali sur lequel on retrouvait un sample de
The Model sur le titre
Jab Teri Dhun Main Raha Karte They.
The Model est décidément l'un des titres les plus repris de Kraftwerk puisqu'on en retrouve également des reprises par le brésilien
Seu Jorge avec le groupe Almaz en 2010, ainsi que par de nombreux groupes surf et garage rock : les danois
The Tremolo Beer Gut, le one-man band sauvage français
King Automatic ou les anglais
Death Valley Surfers. Dans le même esprit néo-vintage, mais aux rythmes différents, Kraftwerk a été adapté en ska par les allemands de
Yellow Umbrella (
Das Model toujours) et les français
Jah On Slide (
Radioactivity).
Radioactivity semble être un morceau apprécié des français puisque outre
Jah On Slide, il a également été repris par
Mario Cavallero et son orchestre (qui enregistrait également des
reprises cheap d'Ennio Morricone que l'on retrouve sur tous les stands de brocante de France et de Navarre), par
Jean-Pierre Mader (
oui oui, celui qui chantait le tube des années 80
Macumba), par
Kat Onoma, le groupe de rock poétique fondé par
Rodolphe Burger, ainsi que par
Treponem Pal, fondateur du
metal industriel made in France.
Le metal n'est pas en reste concernant l'influence de Kraftwerk, on remarquera ainsi une reprise de
Das Model par le groupe de metal indus allemand provoc
Rammstein ainsi que par l'obscur groupe de
black metal anglais
Absinthropy.
Plus raffiné, le groupe nord-irlandais à cordes de
Neil Hannon,
Divine Comedy a repris deux chansons de Kraftwerk :
The Model et
Radioactivity, deux morceaux assez rares puisqu'extraits de
faces B de singles. Parmi les autres groupes pop indés des années 90 à avoir repris Kraftwerk, on trouve les fabuleux suédois
The Cardigans (un groupe qu'il serait dommage de ne réduire qu'à son tube
Lovefool extrait de la BO du film
Roméo + Juliette de
Baz Luhrmann). Le groupe de la chanteuse
Nina Persson avait inclus sa reprise en allemand de
Das Model sur un single de 2003. Le groupe culte du rock indé dit
shoegaze Ride avait également repris
The Model pour une
compilation concoctée par le magazine anglais
New Musical Express en 1992, tandis que leurs compatriotes rigolos de
Terrorvision proposaient leur version sur la face B de leur unique tube
Oblivion. Encore plus rare, on retrouve une reprise de
The Model par la chanteuse
star des 90's Ophélie Winter, en duo avec
The Hellboys, groupe rock du défunt journaliste de
Rock & Folk Nicola Acin, un groupe que l'on retrouvait toujours incrusté en première partie des concerts parisiens de
Rancid au grand dam des fans du groupe punk à crêtes californien.
Si le grand public est loin de se douter de l'influence de Kraftwerk sur le hip hop, c'est peut-être dû au fait que le rap a tendance à oublier son histoire. Pourtant, parmi les précurseurs du rap dans les 80,
Afrika Bambaataa inventait tout un courant du hip hop à lui tout seul en mélangeant la froideur électronique de Kraftwerk aux rythmes syncopés du funk :
l'electro, un terme aujourd'hui galvaudé qui remplace de façon sommaire le terme techno pour désigner toutes formes de musiques électroniques. Afrika Bambaataa donc qui sur son fabuleux
Planet Rock samplait deux titres de Kraftwerk :
Trans Europe Express et
Numbers.
Trans Europe Express semble être d'ailleurs un morceau ayant
fortement touché la communauté afro-américaine, puisqu'on en retrouve
également une reprise en 1982 par
Trouble Funk, groupe de funk tendance
go-go originaire de Washington D.C. Plus récemment, quoique, le groupe de rap français de Vitry-sur-Seine
113, sous l'impulsion de son
DJ Mehdi, samplait également
Trans Europe Express sur le titre
Ouais gros qui ouvrait son premier album
Les Princes de la Ville en 1999. Kraftwerk a d'ailleurs
été pas mal samplé, et pas que dans le hip hop. On vous épargnera ainsi
Coldplay, les stars du
rock quoi, qui reprenaient la mélodie de
Computer Love sur leur tube
Talk en mode
ni vu ni connu, mais on ne fera pas l'impasse sur le musicien anglais qui trustait les BO des blockbusters
ciné et
jeux vidéo de la fin des 90's et du début des 2000's :
Fatboy Slim qui reprenait en 2007
Radioactivity sur le 19ème volume de l'excellente collection de compilations
LateNightTales où chaque volume était compilé avec soin par les stars du moment.
Le jazz s'est aussi accaparé des chansons de Kraftwerk, citons notamment le groupe suédois
Oddjob, qui en plus d'avoir un nom hérité du film
Goldfinger et enregistré un bon
disque hommage aux musiques des films de Clint Eastwood, a repris
Man Machine en 2003 sur son deuxième album,
Koyo. Autre groupe jazz friand de reprises, le trio américain
The Bad Plus s'est complètement approprié la chanson
The Robots en 2016 sur son album
It's hard. The Bad Plus s'était précédemment fait remarquer à travers ses versions jazz de titres de
Nirvana,
Radiohead,
Black Sabbath ou
Igor Stravinsky entre autres.
The Robots a été également repris par un autre combo jazzy (même si les puristes ne le reconnaissant pas en tant que tel) : le trio italien
Zu qui pratique une musique à la frontière du free jazz et du noise rock, avec une formation batterie/basse saturée/saxophone. En 2001,
Zu s'associait au guitariste avant-gardiste américain
Eugene Chadbourne (un proche de
John Zorn pour situer) pour un album,
Motorhellington, qui les voyait reprendre aussi bien Black Sabbath, Kraftwerk, Motörhead, James Brown et The Seeds que Charles Mingus ou Antonio Carlos Jobim. Les puristes n'en reviennent toujours pas. Autre formation expérimentale à avoir repris du Kraftwerk, les japonais.e.s déjanté.e.s de
Melt-Banana reprenaient en 1 minute et 31 secondes
Showroom Dummies sur un
disque hommage nippon à Kraftwerk sorti en 1998.
Contemporain de Kraftwerk, les allemands de
Tangerine Dream font partie de ces artistes prog des années 70 à avoir un peu trop touché le ciel en fumant du patchouli puisqu'ils sont à la base du courant
new age cher à
Era,
Enya,
Enigma et autres formations commençant par la lettre E et finissant en A. Si on parle ici de Tangerine Dream, ce n'est pas par nostalgie d'une vieille
série des années 80 à véhicule futuriste, mais parce qu'avec l'âge, des souvenirs de leurs jeunes années en RFA resurgissent, reprenant ainsi en 2012
The Model de Kraftwerk, dans une version, reconnaissons-le, assez ennuyeuse (pour être polis). On reste en Europe avec le groupe germano-ukrainien
Rotfront qui reprend
The Robots en version
klezmer ainsi que de jolies trouvailles sur Youtube concernant
The Model : une version
polka par le groupe allemand
Polkaholix extrait d'un album joliment intitulé
The Great Polka Swindle ainsi qu'une version folklore finlandais par le
Trio Fratres.
Pour finir cette playlist, nous avons sélectionné deux artistes ayant fait des albums complets de reprises de Kraftwerk. Le premier,
Señor Cononut, projet latino de l'allemand
Uwe Schmidt exilé au Chili, a sorti en 1999 l'album
El Baile Aleman dans lequel il reprend 9 chansons de Kraftwerk en cha-cha-cha, merengue, cumbia, ... Le second est un quatuor à cordes anglais lorgnant vers la musique contemporaine, le
Balanescu Quartet fondé par le roumain Alexander Balanescu (ayant fait ses classes dans le
quatuor Arditti ou les ensembles de
Michael Nyman et
Gavin Bryars). Ce quatuor a sorti en 1992 un remarquable album de reprises de Kraftwerk :
Possessed.
Et si vous voulez encore plus de
The Model, voici deux versions que l'on ne trouve pas sur Youtube, une par le duo electro pop malaisien Byaduoorgroup et une seconde par le sauvage groupe garage anglais Stratosonics :